Ça use, ça use les souliers !

Les transits s’enchaînent et force est de constater que le corps fatigue malgré l'endurance gagnée. L'hiver approchant, ce sera le moment de se reposer mais avant d'y penser, d'autres manips sont à finir...


L'une des vues du Plateau Central @Kevin LF

  • Du 23 au 24 février - Au sud vers Pointe Suzanne


Après une bonne dose de travail au laboratoire, le Biomar, en conclusion de notre tour Courbet Est, je repars sur le terrain pour 2 jours vers le Sud-Est de Port-aux-Français. Nous nous rendons à Pointe Suzanne dans la Presqu’île Prince de Galles. Pour ce transit, Théophile (Géophy), Stéphane (disker = chef de district) et Jérôme (pâteux = boulanger) m’accompagnent. Environ 18 kilomètres nous séparent de Pointe Suzanne. La randonnée se découpe en 2 parties, une première plutôt plate et une autre sur la presqu’île avec un peu plus de dénivelé. La météo qui nous accompagne lors de cet aller est très correct : le soleil est au rendez-vous et le vent très faible. Une météo plutôt propice aux observations donc. Afin d’en profiter un maximum nous montons sur les hauteurs présentes et longeons la côte Sud de la presqu’île avec l’idée d’observer d’éventuels mammifères marins (baleines, orques, dauphins entre autres).


Un renne passe.. Sa carrure, son attitude et la taille de ses bois nous laisse pantois @Kevin LF

Malheureusement, point de mammifères marins en ligne de mire mais un paysage dégagé sur le golfe, sur la Passe Royale et la Presqu’île Ronarch. Un moment plus tard, à l’opposé de ces paysages, un renne solitaire nous guettait. La faible distance qui nous séparait était favorable à l’observation de ses bois majestueux. Au passage, un autre type de paysage s’ouvrait derrière avec le plat de la Péninsule Courbet Est et ses zones humides. Il nous aura fallu 4 h pour rallier la cabane présente sur la côte Est de la presqu’île. Celle-ci était bien gardée. Une horde d’otaries à fourrure antarctique (Arctocephalus gazella) nous y attendait. Une d’elles se reposait près de la porte d’entrée de l’un des modules de la cabane pendant qu’une autre se reposait au niveau des toilettes. Il fallut donc passer outre leur aboiement et leur mignonnerie pour accéder à la cabane ou encore aux touques alimentaires.


Cette otarie garde fièrement les touques alimentaires @Kevin LF

Arrivée à la cabane basse de Pointe Suzanne @Stéphane DEFRANOUX

Suite à cette petite trêve, le repas bien consommé, nous attendait ce pourquoi nous sommes venus ici : la réalisation d’un suivi insectes natifs. Trois endroits étaient sélectionnés pour ce protocole : un habitat de choux de Kerguelen, un habitat rocheux et un habitat composé en majorité de la plante native, Acaena magellanica. Le but étant de trouver les insectes présents dans chacun de ses habitats, les identifier et les dénombrer pendant un temps donné. Pour Stéphane, Théophile et Jérôme, c’est aussi l’occasion de se rendre compte de la vie qui existe sous nos pieds, sous les roches ou dans les plantes. Quelques manips plus tard et une belle soirée en cabane à profiter du paysage et de la nuit étoilée, nous voici de nouveau chaussés pour repartir le lendemain matin. La météo a changé entre temps, le vent est plus violent et une faible pluie a fait son apparition. Après plusieurs heures à lutter contre ces conditions assez difficiles, nous arrivons à Port-aux-Français en partie trempés, le devoir accompli et dans la bonne humeur. Ce fut une bonne occasion pour tester l’étanchéité de nos vêtements.



Mise en place du suivi d'insectes natifs @Kevin LF


Une arrivée sous la pluie mais dans la joie @Kevin LF

  • Du 27 février au 6 mars - Expédition au Plateau Central

Quelques jours après ce transit dans la pluie et le vent, la mission accomplie sur le terrain et les données rentrées au laboratoire sur Port-Aux-Français. L'un des transits les plus attendus pour Manon et moi s’offre à nous. Une occasion unique de fouler le Plateau Central et de se rapprocher de la calotte glaciaire Cook (tout à l’Ouest de Kerguelen). Notre itinéraire nous fait passer par l’Anse de St-Malo, la cabane de Gazelle (au sud du Havre du Beau Temps), Val Travers et le lac Bontemps. La biosécurité est de mise, comme toujours, avant de fouler ces lieux où peu ont mis les pieds récemment. Nous partons le 27 février de P-A-F en chaland vers l’Anse de St-Malo. Un départ ensoleillé et une mer très calme, les dauphins sont comme toujours de la partie. Il faut un peu plus de 2h en chaland pour rallier notre premier site. Nous n'y restons qu’une paire d’heures afin d’y réaliser quelques prélèvements d’insectes introduits, d'y prendre un petit encas et de reprendre la route. Nous ne pouvons que compter sur nos pieds à partir de maintenant. Notre binôme est complété par Jérôme (pâteux = boulanger) et Antoine (Technicien telecom).
La mer calme nous permet de savourer le paysage // Le chaland repart, nous voici dans l'Anse de St Malo @Kevin LF

St Malo, sa cabane et sa cascade @Kevin LF

1ère photo de groupe devant l'Anse de St Malo, on n'est pas (encore) fatigués !  @Kevin LF

De St-Malo jusque Gazelle, nous avons une petite dizaine de kilomètres à parcourir soit 3 h de marche. Durée et distance idéales pour réaliser quelques arrêts bien sentis dans le but d’observer au mieux cette « terre » inconnue qui nous attend. Les hauteurs, très présentes, constituent de vrais tours d’observation et de pause. A quelques kilomètres de la cabane de Gazelle, se trouve l’Anse Sablonneuse. Un somptueux lieu où le sable semble vouloir rallier la rive Nord. Dans le prolongement de la côte nous attend notre première cabane : Gazelle. Au Nord de celle-ci se trouve la Presqu’île Bouquet de la Grye où se situe Port-Couvreux, ce fut l'un des premiers lieux où je me suis rendu lors de mon arrivée en Novembre dernier. La cabane où nous arrivons est de taille réduite. Heureusement une surprise est présente : une tente ! Je souhaitais vraiment dormir en tente au moins une fois et ce sera chose faite ici.

Le Plateau Central se découvre ainsi que son anse sablonneuse (photo de droite) @Kevin LF

La géologie est particulière sur les falaises du Plateau Central @Kevin LF

Le lendemain, l’heure de départ est fixée suivant la distance à parcourir. Celle-ci reste modeste: 20 km mais les dénivelés multiples retarderont sans doute notre marche. A contrario de la péninsule Courbet, les traces GPS sont moins précises donc nous préférons analyser le terrain et notre carte pour sélectionner le meilleur itinéraire possible. Encore une fois, les paysages qui s’offrent à nous sont tous nouveaux et forcent l’émerveillement. Depuis notre départ de St-Malo, il n’est pas rare de croiser des troupeaux de plusieurs dizaines de rennes. Des rounds d’observation figent le temps à chaque évènement de ce type. C’est après un peu plus de 7h de marche (pauses comprises) que nous arrivons en vue de Val Travers. Une dernière descente le long d’un cours d’eau et le passage d’une rivière, nous obligeant à nous déchausser et passer en fabuleux et très efficace combo: caleçon-Crocs, façonne les derniers obstacles avant la cabane.

On a beau critiquer les Crocs, c'est bien pratique ! @Antoine CIMBE


La cabane métallique de Val Travers rappelle les vieilles cabanes de l’IPEV faites du même matériau. Malgré son âge, l’intérieur est propre, sans fuites ou autres soucis manifestes. Nous y résidons 3 jours avant de reprendre la route pour la cabane du lac Bontemps, au Nord de notre localisation actuelle. Ce séjour à Val Travers est appréciable pour diverses raisons : la proximité du site à la Calotte glaciaire, il s’agit de l’un des seuls endroits accessibles à pied depuis la base et la présence de sources d’eaux chaudes à quelques centaines de mètres. Sources que l’on ne tarde pas à visiter. Un bain idéal pour panser les plaies générées par le transit et reposer les muscles qui ont œuvré pour passer monts et cols. Le point de sortie de ces sources étant à plus de 80°C, il faut descendre le long du cours d’eau plus en aval pour trouver une vasque suffisamment grande pour nous accueillir à température moins forte. L’endroit propice étant trouvé, l’entrée dans l’eau fut tout de même compliqué. La température restait assez élevé, et le corps, habitué au climat froid et venteux de Kerguelen, a dû être dérouté par ce choc thermique.


La cabane de Val Travers // Les fabuleuses sources chaudes... Un régal ! @Kevin LF

Selfie souvenir devant la Calotte Glaciaire @Kevin LF


Nous profitons au maximum de cet endroit car c’est peut-être la dernière fois que nous aurons la chance d’y être. Les manipulations scientifiques qui devaient être réalisées étant faites, nous mettons le cap au Nord vers la cabane du lac Bontemps. Seuls 7 km séparent nos 2 cabanes. La cabane de Bontemps nous permettra de rallier la Presqu’île vue quelques jours plus tôt à Gazelle où nous attend Port-Couvreux. Ici aussi la cabane est petite mais des caisses en bois sont présentes pour y dormir, en complément. Celles-ci sont similaires à des niches à taille humaine. Ce minimalisme me plaît, il y a suffisamment de places pour y mettre son sac, déposer quelques affaires et une petite fenêtre offre une vue sur le lac. Je décide d’y dormir pour la nuit. Avant cela, il aurait été bête de ne pas profiter du lac et du déversoir présent pour une partie de pêche. La saison est favorable à la remontée de la mer vers le lac des truites. Il suffit de quelques lancers pour obtenir notre repas du jour, quelle joie de pouvoir obtenir sa nourriture par soi-même ici !


Panorama devant le déversoir du lac Bontemps @Kevin LF
Oh, la belle prise ! @Kevin LF
Le lendemain, première mauvaise surprise depuis notre départ pour ce transit, le déversoir est trop compliqué et dangereux à passer pour rallier Port-Couvreux. Nous décidons donc de rebrousser chemin vers Val Travers. Nous repartons pour 2 nuits supplémentaires dans la cabane que nous avions quittée il y a quelques heures. Celle-ci est chaleureuse et l’environnement extérieur étant ce qu’il est, nous n’y perdons pas tellement au change. Notre moral est loin d’être affecté. Pour le retour vers St-Malo le 5 mars, deux options s’offrent à nous: soit se rendre le 4 mars vers Gazelle pour partir le 5 vers St-Malo, soit partir le 5 mars de Val Travers et parcourir d’un seul coup les 35 km nous séparant de St-Malo. Le choix se porte vers la seconde option, la météo annoncée pour le 4 n’étant pas très favorable et nous jugeons notre physique suffisant pour réaliser cette distance en un jour. L’heure du départ fut fixé très tôt au lever du soleil (6h). La météo étant restée comme la veille : du vent et de la grêle. La traversée de la rivière et la remontée à 500 m d’altitude lors des premiers kilomètres furent épiques. C’est ce genre de conditions météo qui nous était promis avant de venir ici, on peut en effet attester qu’elles sont plutôt hostiles.

Vue sur la calotte glaciaire Ross depuis le Mont de la Tourmente à Val Travers @Kevin LF

Photo "mystique" d'une dépression en formation lors de notre transit @Kevin LF

Les 35 kilomètres ponctués de dénivelé furent difficiles pour le corps, nous arrivâmes bien fatigués mais heureux en cabane de St-Malo après plus de 10h de marche. Autant dire que le repas fut vite avalé et que le lit fut vite trouvé. Le lendemain, la météo était de nouveau sublime, le chaland était de nouveau à portée de vue et les dauphins nous raccompagnèrent vers la base pour un repos revitalisant. Lors de la traversée du Golfe nous avons pu constater les conséquences de la météo de la veille, de nombreux sommets étaient bien blanchis.


L’escorte de dauphins toujours présente ! @Kevin LF

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